Internet Governance Forum : la NURPA appelle l’ONU au respect des droits fondamentaux sur Internet

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Bruxelles, le 2 octobre 2011 - À l’occasion de la 66ème session de l’Assemblée générale des Nations unies, plusieurs États, dont la Chine et la Russie, ont présenté un code de conduite international pour Internet contenant plusieurs atteintes graves aux droits fondamentaux. Le code donnerait par exemple à chaque État le droit de bloquer ou filtrer toute communication internationale à pratiquement n’importe quel prétexte. La NURPA a donc adressé, avec d’autres organisations, une lettre ouverte à Kul Gautam, président de cette session, l’appelant à respecter les droits des citoyens sur Internet.

En voici une traduction française :

Lettre ouverte au Président de l’Assemblée générale des Nations unies sur le Code de conduite international pour la sécurité de l’information.

Nairobi, 28 Septembre 2011

Kul Gautam, Président de la 66ème session de l’Assemblée générale des Nations unies

Monsieur le Président,

Au nom d’un groupe d’organisations non gouvernementales et issues de la société civile réuni à Nairobi pour le 6e Internet Gorvernance Forum (IGF), nous voulons attirer votre attention sur une problématique que nous jugeons préoccupante.

Quatre États membres de l’ONU ont proposé, via l’élément 93 de l’agenda provisoire de la 66e assemblée générale de l’ONU, un « Code de conduite international pour la sécurité de l’information » (A66/356). Tandis que nous partageons un certain nombre de considérations telles que le grand intérêt que la sécurité sur Internet « soit gérée grâce à la coopération internationnale et dans un esprit de respect mutuel » et « [de] souligner l’importance de la sécurité, la continuité et la stabilté de l’Internet et la nécessité de protéger Internet et les autres réseaux de télécommunication des menaces et des vulnérabilités », nous sommes particulièrement préoccupés par trois paragraphes du code de conduite proposé, qui affectent des points essentiels de la gouvernance d’internet et des droits de l’Homme.

L’Agenda de Tunis, adopté par les chefs des États membres de l’ONU lors de la deuxième phase du Sommet mondial sur la société de l’information, a défini la gouvernance d’Internet comme « l’élaboration et l’application par les États, le secteur privé et la société civile, chacun selon son rôle, de principes, normes, règles, procédures de prise de décision et programmes communs propres à modeler l’évolution et l’utilisation de l’Internet. »

Il manque cependant, dans le Code de conduite tel qu’il est proposé, une référence à l’approche à intervenants multiples, définie par l’Agenda de Tunis comme étant une pratique exemplaire d’élaboration des politiques numériques, et le rôle de la société civile dans le renforcement de la sécurité et de la stabilité de l’Internet tel que proposé par le Code de conduite.

Dans le paragraphe (g) du code proposé, la nécessité d’établir « un système de gestion de l’Internet multilatéral, transparent et démocratique afin d’assurer une répartition équitable des ressources, faciliter l’accès pour tous et assurer un fonctionnement stable et sécurisé d’Internet » est soulignée. Bien que nous approuvons l’idée générale, nous sommes convaincus qu’un fonctionnement stable et sécurisé d’Internet ne peut être obtenu qu’en impliquant tous les acteurs concernés, y compris ceux issus de la société civile.

Dans le paragraphe (d) est proposé le fait que les États devraient « mener tous les composants de la société, y compris ses partenariats avec le secteur privé en matière informationnelle et de communication, à comprendre leur rôles et responsabilités par rapport à la sécurité de l’information afin de faciliter la création d’une culture de sécurité de l’information ainsi que la protection des infrastructures informationnelles critiques. ». Nous sommes préoccupés par le fait que cette formulation exclut la société civile, qui joue pourtant un rôle important dans la création d’une culture de sécurité informationnelle.

Nous saluons l’attachement manifesté, via le paragraphe (a), à la Charte des Nations unies, et notamment le « respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales », mais nous aimerions néanmoins mettre en garde quant au fait que la référence au « respect de la diversité de l’histoire, de la culture et des systèmes sociaux de tous les pays » pourrait être interprétée comme diminuant l’engagement de l’Assemblée générale des Nations unies sur le thème de l’universalité des droits de l’homme.

Nous reconnaissons également les efforts internationaux visant à combattre la criminalité sur le web et réduire les activités terroristes en ligne, auquels les États s’engageraient via le paragraphe (c) de la proposition. Cependant, nous aimerions attirer l’attention de l’Assemblée générale sur les termes vagues prévoyant une coopération afin de « limiter la diffusion d’informations qui incitent au terrorisme, au sécessionnisme ou à l’extremisme ou qui compromet la stabilité politique, économique et sociale d’autres pays ainsi que leur environnement culturel et spirituel ». Ces termes dépassent les restrictions acceptables de la liberté d’expression telles que décrites dans l’article 19 (3) du pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et pourraient facilement être interprétés par les gouvernements comme les autorisant à limiter sévèrement le droit à la liberté d’expression au sein de leur pays.

Dans un contexte de multiples nouvelles initiatives gouvernementales, via des forums nationaux et multilatéraux, visant à adopter de nouvelles lois et cadres législatifs concernant le contrôle des communications en ligne, nous exhortons le comité de l’ONU chargé de décider si le document proposé sera développé plus avant de prendre en compte nos préoccupations et de garantir et défendre les droits de tous les citoyens.

Sincèrement,

Civil Society Internet Governance Caucus (IGC)
Access
APC
Bits of Freedom
Centre for Internet and Society (CIS) Bangalore
Consumers International
Digitale Gesellschaft e.V.
Egyptian Initiative for Personal Rights
Electronic Frontier Finland
Electronic Frontier Foundation (EFF)
Juliagruppen (The Julia Group)
La Quadrature du Net
May First/People Link Leadership
NURPA - Net Users’ Rights Protection Association
Open Rights Group
Pacific Young Professionals Training Development Forum
VECAM
World Press Freedom Committee of Freedom House