Le fair-play selon Arthena : propagande et répression

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Internet, le 7 décembre 2010 - Alors que l’accord multilatéral ACTA vient d’être finalisé et que la présidence belge de l’Union Européenne arrive à son terme, Arthena1 en appelle au « développement du système juridique et organisationnel de la protection par le droit d’auteur » et à « trouver des manières de dissuader le recours […] à l’offre illégale via Internet » en Belgique. Véritable lettre au Père Noël, nous ne pouvons nous empêcher, malgré la saison, de relever l’hypocrisie du propos.

Arthena affirme dans un premier temps, que le chiffre d’affaire affiché par les intérêts qu’elle représente pourrait être plus élevé si celui-ci tenait compte des industries périphériques, c’est à dire — selon eux — les « secteurs qui vivent du contenu ou des créations ». Elle cite sans discernement la production et la vente d’appareils audiovisuels, d’ordinateurs, d’instruments de musique, de meubles, de jouets, d’architecture, etc. Nous tenons à rappeler que l’ordinateur est avant tout un outil de travail utilisé chaque jour par des millions de personnes pour des activités indépendantes de la consultation de contenu soumis aux droits d’auteur et droits voisins. L’ordinateur, comme l’instrument de musique, est un outil d’expression et de création. Sa production ne peut donc en aucun cas être considérée comme « périphérique » à quoi que ce soit.

L’étude sur laquelle Arthena s’appuie a été remise en doute tant sur le fond que la forme par des institutions indépendantes telles que le Social Science Research Council (SSRC) ou la Cour des comptes américaine (GAO). D’une part, cette étude — commanditée par le numéro un du groupe Vivendi — est orientée autour du mythe selon lequel un contenu partagé sur Internet hors-marché équivaut à la perte de la valeur de ce contenu, s’il avait été vendu via les méthodes de distribution traditionnelles. D’autre part, les conclusions alarmistes en terme d’emploi résultent de méthodes statistiques socio-économiquement invalides.

Le rapport du SSRC souligne que « le piratage domestique peut effectivement provoquer des pertes pour certains secteurs industriels spécifiques, mais celles-ci ne sont pas significatives à l’échelle de l’économie nationale. Quel que soit le pays, le piratage se traduit par une ré-attribution des dépenses à d’autres secteurs, pas à une perte ».

Ce même rapport indique que « Concernant les films et les logiciels, les pays d’Europe sont principalement importateurs. Pour ce qui est du cas plus complexe de la musique, une étude sérieuse soutenue par le gouvernement des Pays-Bas estime l’impact social du piratage de la musique à un bilan positif de 100 million d’euro (Huygen et al. 2009) ».

Les travaux du SSRC, du GAO et de bien d’autres prouvent que les études utilisées par l’industrie sont autant de contre-vérités. Ainsi, le « fair play » demandé par Arthena se traduit par l’utilisation de sources biaisées et un appel à la répression à outrance. Depuis quelques années, on remarque que les sociétés de gestion des droits consacrent plus de temps à tenter de criminaliser leur public plutôt qu’à se tourner vers l’avenir en mettant en place des solutions modernes (micropaiements, prix libres…) efficacement déployées par d’autres secteurs (jeux-video, logiciels libres, musique libre…).

« Puisque nous constatons de jour en jour l’échec des politiques répressives en matière de renforcement de la propriété intellectuelle (telles que les lois inefficaces de France ou d’ailleurs) et de sauvegarde à tous prix de l’industrie actuelle, nous affirmons une fois de plus qu’il est temps que le législateur tente d’explorer une voie nouvelle, celle de la nécessaire liberté de partage. Il nous semble urgent que les industries du divertissement prennent le pas de l’ère numérique et proposent des modèles économiques nouveaux et adaptés plutôt que de tenter, au mépris du bien commun, de maintenir sous perfusion un modèle commercial agonisant » conclut Daniel FAUCON, porte-parole de la NURPA.

Références

1 : groupement d’intérêts pour le droit d’auteur et les droits voisins regroupant 27 associations et sociétés de gestion représentatives d’auteurs, artistes-interprètes, producteurs et éditeurs