Rapport Gallo : le droit d’auteur européen tendra-t-il vers une répression systématique et aveugle ?

Drapeau Union européenne et symbole de la justice

Bruxelles, le 31 mai 2010 - Ce mardi 1er juin, la commission des Affaires juridiques (JURI) du Parlement Européen votera le très controversé « rapport Gallo », destiné à paver le chemin des futures évolutions législatives européennes en matière de droit d’auteur et de propriété intellectuelle. Un document capital conçu sur mesure par et pour les vieillissantes industries du divertissement.

Mélangeant allègrement simplismes et amalgames en tous genres, le rapport Gallo (du nom de Marielle Gallo, eurodéputée directement parachutée par Nicolas Sarkozy) n’hésite pas à réclamer des sanctions identiques pour les adolescents partageant de la musique et les mafias internationales spécialisées dans la production de faux médicaments. Une totale absence de nuance qui fait office d’artillerie lourde pour résoudre un problème — le partage de fichiers hors marché — dont la gravité se fait toujours plus douteuse.

En effet, les fondations mêmes du rapport Gallo sont bancales. La seule « étude » — commandée par un lobby de l’industrie du divertissement dirigé par le numéro un du groupe Vivendi — sur laquelle s’appuie le rapport a été sérieusement remise en cause par des organismes peu susceptibles de partialité, tels que le respecté Social Science Research Council ainsi que la très sérieuse « Cour des Comptes Américaine » (Government Accountability Office). Des constats qui s’ajoutent à quantités d’études issues de divers gouvernements et organisations, soulignant l’impact tantôt neutre, tantôt positif, du partage de fichiers sur l’économie.

Heureusement, des voix se font entendre jusqu’au sein du groupe JURI afin de défendre une vision alternative à tant de dogmatisme. Divers eurodéputés issus des S&D, de l’ALDE et des Verts ont déposé des amendements appelant à repenser le financement de la création et à mettre fin au cercle vicieux de la répression qui, à la fois démesurée et liberticide, n’a jamais fait preuve d’efficacité pour réduire le partage de fichiers, bien au contraire1. De constructifs appels à la réflexion partagés par la Commission Européenne via son Agenda numérique, qui reconnait la nécessité de mesures renforçant l’offre légale et l’innovation plutôt qu’un nouveau durcissement législatif sans la moindre base tangible.

Notons que, dans les recommandations de vote émises en tant que rapporteur, la députée Gallo va jusqu’à présenter, sans le moindre scrupule, comme « amendements de compromis » des amendements qui furent l’objet d’un rejet net en commission, au mépris des procédures et de l’honnêteté la plus élémentaire.

Faisant preuve d’un entêtement sans pareil et d’une absence totale de discernement face à l’évolution des usages dans la société numérique, Marielle Gallo, via ces « recommandations de votes », loin de chercher des solutions, se prononce de manière indiscutable pour une régression des acquis communautaires, un mépris des libertés et la défense de modèles économiques obsolètes qui n’ont que trop nui à la création, favorisant une poignée de multinationales du divertissement au détriment des artistes et de leur public.

« Le bon sens n’étant pas (encore) soumis au copyright, espérons que la commission JURI n’hésitera pas à en faire usage afin de proposer à l’Europe une vision saine de l’économie numérique. Il en va de l’avenir même de la création sur le Vieux Continent. » conlut Daniel FAUCON, porte-parole de la NURPA.

Références

1 : à titre d’exemple parmi d’autres, citons cette étude soulignant une augmentation déjà quantifiable du partage de fichiers en conséquence de l’adoption de la loi « HADOPI » française.