La Cour constitutionnelle annule la loi sur la conservation des données de communication

Bruxelles, le 11 juin 2015 – Dans le cadre de deux recours en annulation introduits indépendamment, la Cour constitutionnelle a statué aujourd’hui contre la conservation généralisée des métadonnées de communication. Cette décision s’inscrit dans la droite ligne d’un arrêt récent de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) invalidant la directive à l’origine de la loi belge.

La directive sur la conservation des données (2006/24/CE), adoptée suite aux attentats de Madrid (2004) et de Londres (2005), contraignait – elle a depuis été invalidée – les opérateurs de télécommunication et les fournisseurs d’accès à Internet européens à conserver les méta-données de communication de leurs usagers.

En juillet 2013, le Parlement fédéral adoptait, dans le cadre d’une procédure d’urgence, une loi et un arrêté transposant cette directive en droit belge 1.

En février 2014, la NURPA, datapanik.org, la Liga voor Mensenrechten et la Ligue des droits de l’Homme initiaient conjointement une campagne de crowdfunding visant à financer une procédure de recours en annulation auprès de la Cour constitutionnelle 2. L’accueil reçu par la campagne – l’objectif des 5000 € ayant été dépassé en quelques semaines – a démontré, si cela était encore nécessaire, à quel point les citoyens sont attachés à leur vie privée et au respect de celle-ci.

À travers l’arrêt rendu aujourd’hui 3, la Cour réaffirme l’importance du droit à la vie privée énoncé par l’article 22 de la constitution belge, et rappel que toute limitation de ce droit doit faire l’objet d’un encadrement strict.

La Belgique rejoint la longue liste des États membres au sein desquels la transposition nationale de la directive a été contestée avec succés 4. Il est à noter que la Commission européenne ne projette pas d’introduire une nouvelle proposition portant sur la conservation des meta-données de communication 5.

« Cet arrêt constitutionnel doit avoir l’effet d’un électrochoc pour nos Gouvernements: ils ne peuvent pas élargir à l’infini la surveillance de masse de leurs citoyens. Cette disproportion de plus en plus flagrante entre respect de la vie privée et besoin légitime de sécurité qui a d’ailleurs incité la LDH à faire de l’année 2015 une année thématique consacré au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles » déclare Alexis Deswaef, Président de la LDH.

« La décision de la Cour constitutionnelle apporte un peu d’air frais dans un contexte nauséabond où les actes meurtriers de quelques terroristes suffisent à anéantir les principes fondamentaux de droits et de libertés de nos démocraties. Cela doit rappeler à chacun que les droits et libertés sont un combat de tous les instants, plus encore quand la tendance en Europe est à l’empilement de mesures sécuritaires, comme le démontre tristement le cas français. » conclut André Loconte, porte-parole de la NURPA.

Références

1 : Avis de la Cour de justice de l’Union au sujet de la directive sur la conservation des données (voir "Contexte belge")
2 : http://stopdataretention.be/fr/
3 : arrêt en néerlandais, arrêt en allemand
4 : tableau détaillant le statut des différentes transpositions de la directive sur la conservation des données
5 : (Reuters) EU executive plans no new data retention law