La Belgique conservera-t-elle son rôle honteux de locomotive de l’ACTA en Europe ?

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Bruxelles, le 14 février 2012 - Désormais ouvert à la ratification en Europe, l’inacceptable traité ACTA entame son parcours législatif. Écoutant les inquiétudes légitimes de leurs populations, de leurs acteurs civils et économiques, la Pologne et la République tchèque ont décidé de geler sa ratification. Alors que l’Allemagne et la Lettonie ont annoncé qu’elles ne se prononceraient pas avant une éventuelle adoption de l’accord par le Parlement européen, la Roumanie et la Slovaquie, elles, ont décidé d’organiser des consultations publiques. La Belgique semble engagée sur une toute autre voie.

En janvier 2011, la Belgique achevait sa présidence du Conseil de l’Union européenne en menant à terme - comme son programme le prévoyait - les négociations de l’ACTA. Elle s’est récemment illustrée via le commissaire européen au Commerce Karel de Gucht (Open VLD) en charge de ce dossier. Avec un zèle sans faille, il répand la propagande de la Commission, allant jusqu’à mentir ouvertement au Parlement européen afin d’obtenir son consentement pour imposer l’ACTA dans l’Union.

Jeudi dernier, le sénateur André du Bus (cdH) interpellait le ministre Johan Vande Lanotte (sp.a) au sujet de l’ACTA. Il soulevait de légitimes interrogations, notamment quant au secret qui a accompagné les deux ans de négociation de l’accord ou à l’incidence qu’aurait celui-ci sur les médicaments génériques.


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Le ministre en charge des télécommunications répond en substance que, d’une part, l’accord n’est entouré d’aucun mystère et, que d’autre part, il n’a aucun effet sur les médicaments génériques.

Comment qualifier autrement que de « secret » un accord dont les termes n’ont pu être connus qu’au prix de fuites orchestrées par certains négociateurs inquiets et dont les documents de négociation demeurent confidentiels ? De nombreuses association, dont la NURPA, ont introduit une demande d’accès aux documents préparatoires auprès de la Commission et ont eu pour seul retour une maigre liste de documents censurés. Ces documents sont pourtant d’autant plus cruciaux que l’ACTA entre dans le champ d’application de de la Convention de Vienne sur le droit des traités. L’article 32 de cette Convention précise que les travaux préparatoires et les circonstances dans lesquelles le traité a été conclu sont deux éléments à prendre en considération pour son interprétation.

Tant Martin Schulz, président du Parlement européen, que Kader Arif, rapporteur démissionnaire auprès de la principale commission en charge du dossier ACTA, dénoncent la totale opacité ayant entouré les négociations et caractérisant encore aujourd’hui cet accord. Par ailleurs, l’ambassadrice de Slovénie au Japon, suite à une complète volte-face, qualifie désormais sa signature de l’ACTA de « négligence civique ».

Selon plusieurs organisations non gouvernementales à vocation humanitaire, l’ACTA aura sans conteste un impact sur l’accès aux médicaments abordables et empêchera la concurrence dans le domaine des médicaments génériques. Pour une analyse approfondie de l’impact de l’ACTA sur l’accès aux médicaments, voir les études de « Médecins sans frontières », Oxfam ainsi que l’étude réalisée par deux chercheurs de l’université de Washington :

« Sur le thème de l’ACTA, la Belgique a jusqu’à présent fait preuve d’un manque total de considération, non-seulement envers ses citoyens mais également envers tous les citoyens d’Europe. Elle porte une lourde responsabilité dans le déroulement non-démocratique des négociations de l’ACTA pour avoir défini la clôture de celles-ci comme l’un des objectifs premiers de sa présidence du Conseil de l’Union européenne. Elle est maintenant engagée, à travers le commissaire européen Karel DeGucht, dans un processus irresponsable de promotion de cet accord au mépris des critiques soulevées de toutes parts. Alors qu’Ecolo en appelle publiquement à faire barrage et que le PS émet de sérieuses réserves quant à la pertinence d’avaliser l’accord, il est absolument nécessaire que les parlementaires belges mettent un terme à cette dérive et initient, sans délai, un débat public au sujet de l’accord afin de déterminer si la Belgique s’en retire 1 ou non. » déclare André Loconte, co-fondateur de la NURPA.

Références

1 : Conformément à l’article 41 de l’accord (p. 51)