Le Parlement européen critique le blocage arbitraire de noms de domaine

Photographie de l’hémicycle du Parlement Européen (Strasbourg)

Bruxelles, le 17 novembre 2011 - En préparation du sommet conjoint « USA - Union européenne » du 28 novembre 2011, le Parlement européen a aujourd’hui adopté une résolution portant notamment sur la liberté et la sécurité. Cette résolution souligne, dans son article 25, la nécessité de protéger l’intégrité de l’Internet mondial et la liberté de communication en limitant les mesures unilatérales de révocation d’adresses IP ou de noms de domaine.

L’article 25 de cette résolution s’inscrit dans le contexte où les États-Unis sont sur le sur le point de s’octroyer une base légale (SOPA, PIPA) pour légitimer les actions menées par les services des douanes américaines (ICE et DHS) qui, depuis 2010, ont saisi plus d’une centaine de noms de domaines sans aucune forme de procès. 1

Stéphane Van Gelder, directeur général d’INDOM et président du GNSO (ICANN), indiquait en novembre 2010 que le principe de subsidiarité n’était pas respecté. En effet, certains propriétaires n’avaient reçu aucun avertissement avant la suspension de leur nom de domaine. Il soulevait, par ailleurs les interrogations suivantes :

« La menace justifie-t-elle les moyens ? Peut-on suspendre les droits à la justice sous prétexte de luttes légitimes contre la contrefaçon ou la cybercriminalité ? » 2

La commission des Affaires juridiques de la Chambre des représentants des États-Unis a commencé à examiner la proposition de loi dite « Stop Online Piracy Act » (SOPA), dans le même temps un équivalent « Protect IP Act » (PIPA) est traité au Sénat. Dans les deux cas, au prétexte de lutter contre la contrefaçon, les textes prévoient d’accorder aux personnes prétendument lésées la possibilité d’adresser des missives, sans passer par un juge, aux prestataires techniques afin que ceux-ci suspendent, sous 5 jours, tout nom de domaine ou site web lié au « vol de propriété américaine ». 3

Dans une lettre adressée aux représentants de la Chambre, plus que 60 associations et groupes citoyens, dont la NURPA, Access, Reporters Sans Frontières et EDRi, soulignent que :

« Bien qu’il s’agisse d’une loi nationale, les répercussions qu’elle pourrait avoir feraient peser de graves risques sur les libertés civiles à une échelle internationale. […]
Les États-Unis profitent que de plus en plus d’infrastructures hébergeant des services Internet utilisés à travers le monde se trouvent sur le sol américain pour étendre la portée de leur juridiction alors qu’une situation inverse serait indéniablement source de conflits. […]
En favorisant l’utilisation de dispositifs de censure, les États-Unis perdraient toute légitimité dans la critique de la gouvernance des régimes autoritaires. […] »

« Il est indispensable que la Commission et le Parlement européen s’engagent dans une politique pro-active afin d’assurer que le citoyen européen jouisse d’une liberté d’expression et d’information totale. Cette démarche doit passer par la garantie juridique que la neutralité du réseau est préservée et par la condamnation des pratiques de suspensions arbitraires de noms de domaines ou de sites web. » conclut André Loconte, porte-parole de la NURPA.

Références

1 : Cette même autorité américaine est à l’origine du blocage qui avait entraîné, en janvier dernier, l’indisponibilité de 84 000 site durant plusieurs jours. Voir aussi : A wave of the watch list, and speech disappears , VeriSign demands website takedown powers et U.S. resume controversial file-sharing domain seizures
2 : DomainLeaks, vers la prise de contrôle du Web par les Etats ?
3 : SOPA: all your Internets belong to US