BAF contre Telenet / Belgacom, les opérateurs devront bloquer The Pirate Bay

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Bruxelles, le 4 octobre 2011 - La cour d’appel d’Anvers a rendu, le 26 septembre dernier, sa décision dans le cas opposant la BAF aux fournisseurs d’accès à Internet Belgacom et Telenet. Les opérateurs devront mettre en place un blocage DNS de onze adresses associées au site The Pirate Bay endéans 14 jours sous peine d’amende. La cour a donc statué en opposition à la décision du tribunal de commerce de Malines, qui avait initialement rejeté la demande de la BAF.

Le 8 juillet 2010, le tribunal de commerce de Malines rejetait l’action introduite en référé par la BAF qui portait sur le blocage, par les opérateurs Belgacom et Telenet, de différents noms de domaine associés au site The Pirate Bay en qualifiant cette demande de « disproportionnée ». En effet, le juge avait alors considéré que des mesures immédiates pour bloquer ce site n’étaient pas nécessaires et que la demande de la BAF était disproportionnée par rapport au délit, notamment parce que le site existait depuis plus de huit ans et que la requête arrivait tardivement 1.

La décision de la cour signifie que Belgacom et Telenet devront prendre, dans un délai de 14 jours, les dispositions techniques nécessaires à la mise en place d’un blocage de type DNS afin de rendre inaccessible à leurs abonnés les onze noms de domaines associés au site Web d’échange de fichiers The Pirate Bay.

Nous condamnons le fait que les fournisseurs d’accès à Internet soient contraints de mettre en œuvre des mesures de filtrage. Ceci s’oppose à la liberté pour chaque citoyen d’accéder librement à l’information et nous craignons que ce type de mesure — inefficace au demeurant — n’ouvre la voie à une généralisation de telles pratiques, entrainant des dérives comme ce fut notamment le cas en Angleterre en 2008 lorsque le site Wikipedia a été totalement censuré ou plus récemment, lorsque 84 000 sites web ont été bloqués par erreur aux USA.

« La décision de la cour d’appel d’Anvers dans le cas BAF contre Belgacom / Telenet crée un dangereux précédent en matière de blocage de contenu par les fournisseurs d’accès à Internet en Belgique. Elle est incompatible avec la doctrine de proportionnalité défendue par la Cour européenne des Droits de l’Homme : en imposant un blocage de The Pirate Bay, la cour légitime notamment la censure de tous les contenus sous licences libres 2 diffusés via ce site. » explique André Loconte, porte-parole de la NURPA.

Citons aussi les conclusions de M. Cruz Villalón 3, avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne qui, dans le cas Scarlet vs SABAM, indiquait :

« une mesure qui ordonne à un fournisseur d’accès à Internet la mise en place d’un système de filtrage et de blocage des communications électroniques aux fins de protéger les droits de propriété intellectuelle porte en principe atteinte aux droits fondamentaux. »

Nous détaillions, il y a quelques semaines, dans notre réponse à une consultation de la Commission européenne sur les jeux en ligne, les différents aspects qui rendent les mesures de filtrage tant inefficaces pour empêcher l’accès à des sites censurés que dangereuses pour les libertés fondamentales des citoyens.

En voici un court extrait :

Premièrement, lorsqu’un alias (domaine) est bloqué, le contenu demeure accessible via son adresse IP […].

Deuxièmement, si un alias est bloqué, le contenu demeure accessible via n’importe quel nouvel alias. Nous précisions en introduction qu’un site web peut avoir un nombre illimité d’alias et que le coût d’achat lié est inférieur à 5eur. Il est donc raisonnable de penser qu’il est impossible de bloquer tous les alias étant donné le coût économiquement faible engagé pour la mise en place d’un tel dispositif […].

Troisièmement, indépendamment de la possibilité d’accéder à un domaine bloqué par son adresse IP ou par un alias, aucun abonné n’est (et aucun abonné ne doit être) obligé d’utiliser les serveurs DNS mis à disposition par son fournisseur d’accès à Internet. Il est un fait établi que les DNS tiers sont souvent plus rapides que ceux associés par défaut. Il est par ailleurs aisé et usité de remplacer les serveurs DNS par ceux d’OpenDNS ou de Google par exemple […].

Il est à noter que d’autres moyens (tels que les VPNs, le réseau TOR, etc.) permettent de contourner le blocage DNS.

Télécharger le document : Réponse de la NURPA à la consultation de la CE sur les jeux

Références

1 : une procédure en référé relève de l’urgence
2 : miroir
3 : version complète des conclusions de l’avocat général dans le cas Scarlet/SABAM